Auteur : Voltaire
Date : 1759
Inspiration : L’enseignement de Pangloss
Genre : Pastiche osé
Titre : La leçon de physique expérimentale de Pangloss à la femme de chambre de la baronne de Thunder-Ten-Tronckh
Mise en contexte du pastiche
Merveilleux Voltaire. Nous avons étudié Candide en khâgne il y a bien longtemps. Notre vénéré vieux professeur de littérature coulait de bonheur en nous faisant découvrir l’efficacité de la plume de l’auteur qui, en moins de cinquante lignes, amène et met en situation les personnages principaux de son livre. En à peine plus d’une page, la première du manuscrit, sous le sous-titre « COMMENT CANDIDE FUT ÉLEVÉ DANS UN BEAU CHÂTEAU, ET COMMENT IL FUT CHASSÉ D’ICELUI », la table est dressée : Pangloss, le philosophe, a attrapé la vérole de Paquette; Cunégonde, la fille du seigneur des lieux, et Candide, un vague cousin, s’aiment d’amour tendre, et, pour un bref baiser et quelques « mains égarées », le jeune homme est chassé et ne retrouvera la belle qu’à l’issue du merveilleux roman.
Pour autant qu’elle nous ait séduite, cette virtuosité voltairienne nous laissait un brin sur notre faim. Quelle scène évoquée par le maître ! Le philosophe s’envoyant la belle soubrette sous l’œil voyeur d’une noble pucelle. Nous n’avons pas résisté au plaisir d’imaginer « les expériences réitérées dont elle [Cunégonde] fut témoin ».
Nous sommes là au tout début du roman, en fait à la première ou seconde page selon les éditions.
CANDIDE
(Avec nos excuses à Voltaire)
LA LEÇON DE PHYSIQUE EXPÉRIMENTALE DE PANGLOSS À LA FEMME DE CHAMBRE DE LA BARONNE DE THUNDER-TEN-TRONCKH
Abandon du texte original à : Un jour, Cunégonde, […] vit […] le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile.
AJOUT
Pangloss n’avait pas eu trop de difficultés à attirer Paquette dans ses rets. Si elle ne détestait pas se laisser aller avec certain jeune palefrenier du château, il est vrai fort bien pourvu de nature, l’accorte servante avait un faible pour les hommes d’âge mûr et le philosophe était un compère d’expérience, aimable et de bonne mine.
Cette jolie femme aux envies intenses et souvent renouvelées montrait des dispositions naturelles remarquables à ne pas résister aux avances de l’autre sexe. Elle avait été initiée aux joies de la chair par un vieux cordelier d’une lubricité exceptionnelle, même pour un moine cistercien.
Elle était avenante et bien faite, avec une poitrine des plus charmantes qu’elle laissait volontiers accessible aux regards d’autrui sous d’altruistes corsages amplement décolletés. Taille pas trop grasse, mollets bien galbés, elle offrait aux initiés un postérieur d’une rare rotondité qui faisait saillir ses jupons sur ses reins, sans qu’il lui fût besoin d’utiliser quelque faux cul.
Pour en connaître plus que la moyenne des femmes de son jeune âge sur le plaisir, elle témoignait d’une profonde ignorance pour les autres choses de ce monde et Pangloss, avec une générosité n’appartenant qu’aux savants de sa qualité, avait jugé qu’elle méritait qu’il l’initiât à la métaphysique1. Car enfin, se disait-il, pourquoi Dieu aurait-Il mis sur son chemin aussi gente personne s’Il n’avait souhaité qu’il s’y intéressât et lui enseignât quelques rudiments de sa vaste culture ?
Pangloss choisit pour ce faire une belle journée de mai et proposa à la friponne une leçon particulière dans le parc du château, à l’abri des regards des gens de la maison, isolés comme il convient que le soient pédagogue et disciple en période studieuse.
Or, ils n’étaient point seuls puisque, ce jour-là, la tendre Cunégonde, fille bénie du maître des lieux, une beauté virginale à peine sortie de l’adolescence, errait dans le jardin.
— Paquette, entendit la promeneuse, il te faut, à ton âge, être à même de raisonner sur les effets et les causes du monde qui t’entoure, mieux percevoir la raison suffisante de ta présence sur cette terre.
— Je l’admets volontiers, maître. Cette culture me fait certes défaut.
— J’entends te familiariser avec ce que, nous autres, philosophes, appelons la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Viens ici près de moi que je t’apprenne.
— Je suis prête à tout pour devenir savante, maître.
— Voilà qui est bien. Eh bien, soulève-moi donc ce jupon, que je découvre plus librement l’être que tu es.
Ces derniers mots arrêtèrent tout net Cunégonde dans sa marche solitaire. Avisant un buisson où des ronces et des framboisiers sauvages phagocytaient un énorme pied de rhododendron, elle décida sur-le-champ de bénéficier elle aussi des enseignements du philosophe favori de monseigneur son père. Elle se dissimula sous la végétation luxuriante d’où elle entendait parfaitement le couple maître-élève et pourrait aussi les voir en se penchant un peu, si l’envie dût lui en prendre.
— Assumons donc, reprenait Pangloss, sa docte voix plus haut perchée qu’à l’accoutumée, la finalité philosophique de notre présence à deux dans ce parc.
— Je cède à votre gouverne. Ai-je bien compris que, pour philosopher, me faut donc me trousser ? s’enquit Paquette.
— Pour t’initier, ma fille, pour t’initier. On ne philosophe pas ainsi du jour au lendemain… la reprit Pangloss.
— Et je m’initierais mieux si j’écartais les jambes, n’est-il pas vrai ?
— Pour ton bien, ma chère enfant. Pour ton bien. Crois-moi, il est démontré que les choses ne peuvent être autrement.
— J’obéis volontiers mais ne suis pas sûre de comprendre votre méthode d’enseignement.
Et l’adolescente curieuse estima que la voix de plus en plus haletante de la gironde servante trahissait éloquemment l’envie qu’elle avait de s’instruire au plus vite.
— Si tu ne comprends pas certaines choses un peu délicates, Paquette, c’est qu’il n’était pas nécessaire que tu les comprisses.
— Si vous le dites… Et d’où vient qu’il faille que vos doigts fourragent dans mon entrejambe pour que votre savoir me soit transmis ?
— Ô la bonne question ! Vois-tu, nul phénomène ne se manifeste ici-bas sans sa justification. Rien n’est sans raison : nihil est sine ratione. En portant ainsi mes mains sur toi, je te prépare à mieux m’écouter, tant il est vrai qu’il convient de déboucher d’un élève les canaux naturels pour accroitre ses facultés d’entendement. Une terre bien irriguée reçoit mieux la semence. Un corps échauffé et ouvert prédispose l’esprit à l’acquisition de connaissances aussi bien en métaphysique, en physique qu’en science morale.
— Je n’eus jamais imaginé que l’intérêt que vous portez à mon intimité eût quelque chose à voir avec la morale.
— Normal pour une novice. Nous n’en sommes qu’au début de ton instruction.
— Mais déjà j’en sens les effets. Le bien que vous me faites me ravit, maître. Est-ce cela, la « métaphysico-théolo-je-ne-sais-plus » ?
— Parlons plutôt pour l’heure de mise en conditionnement à l’étude. Cela porte le nom de manœuvres préliminaires : du latin « manuopera », travail fait à la main et « préliminaires », signifiant « avant », ici « avant la science elle-même », comprends-tu ? Il convient que les travaux de mains devancent ceux de l’esprit. Le sais-tu, les arts manuels ont précédé de plusieurs siècles la métaphysique ?…
— Que vous êtes savant, docteur Pangloss et que vos doigts sont persuasifs. Votre autre main sur mon derrière ne m’ennuie pas non plus.
— Rien n’empêche, à ce temps de la leçon, que les tiennes viennent s’assurer de ma bonne disposition à faire ton apprentissage. Il n’est pas dans la nature humaine de désirer ce qu’on ne connait pas. C’est une des caractéristiques qui nous distinguent des animaux. Si tu veux progresser dans ton dégrossissage, apprends à connaître ton maître. Vois et touche donc l’instrument pédagogique que je dissimule ordinairement aux non-initiés et sur lequel ta volonté d’apprendre te donne un droit d’accès.
— Cela se situe dans vos chausses ?
— Ton intuitivité est bon présage de ton futur succès.
— J’ignorais que ce que je tiens là fût un outil de transmission du savoir philosophique ?
— Tu le sais désormais. La rapidité de ta progression m’impressionne.
— Ignorante, j’eus volontiers pensé, comme le professe monsieur notre confesseur, qu’il s’agissait plutôt d’un appareil que l’on ne doit mettre en manœuvre qu’avec des intentions reproductrices.
— Ton curé erre, Paquette. La crédulité de leurs ouailles fait la science des prêtres. Élevons plus haut nos esprits, je te prie. Car enfin, penses-y : si Dieu n’avait pas voulu que les hommes se servissent de leur virilité à d’autres fins que d’engendrer leur descendance, Il les eût faits à la manière des cerfs dont la source de génération n’opère que lorsque les biches sont prêtes à procréer, quelques pauvres journées d’automne…
— Et nous sommes au printemps…
— Je ne te le fais pas dire. Et vois comme je suis bien disposé à ton endroit. Tu comprends, Dieu veut le bonheur de l’humanité et le bonheur est indissociable du plaisir. Médite l’enseignement du Christ : « Il faut aimer et très tendrement les créatures. » Tout mortel au plaisir doit son existence. Jouissons donc, chère élève, moi de tes bonnes dispositions pour l’apprentissage, toi de la grâce que je te fais de t’accorder mes attentions…
— Parlant de jouir, maître, jugez-vous que le mouvement que j’imprime à votre instrument soit propre à bientôt faire sourdre vos lumières ?
— Mais certainement. Aristote l’a dit : « Rien n’est mû par le hasard. » Ta main est sûre dans le maniement du vecteur du savoir. Il m’apparait clairement que tu as des talents naturels pour les travaux pratiques de physique expérimentale.
— Je fais de mon mieux. Je veux être savante et je m’applique.
— C’est tout à ton honneur, ma fille. L’homme – tu le constates – tend vers le haut et la femme – je le vérifie – s’ouvre vers le bas. Tu as là, mon amie, le conin le plus joli du monde. L’univers, réalise-le, est merveilleusement conçu pour le plaisir. Et le plaisir est l’objet, le devoir et le but de tout être raisonnable. C’est un principe philosophique généralement admis.
— J’ignorais bien que le plaisir fût philosophique.
— Apprends-le donc et ne l’oublie plus. Rien n’est gratuit, tout est fondé en ce monde. Découvre-moi tes seins que je t’explique. Non, non, ne change rien ici, une seule main doit suffire au déboutonnage.
— Pas facile…
— Voilà, c’est bien. Tu vois, Dieu a donné des appâts aux demoiselles comme il a donné les plumes aux oiseaux et la fourrure aux ours. Vois la magnifique paire de mamelles dont Il t’a dotée…
— Pour nourrir mes futurs enfants, maître, mais je vous sens les malaxer à nous damner…
— Nous damner ? Mais bien sûr que non ! La quête de sérénité qui doit accompagner toute démarche d’élévation de l’esprit passe par de telles manipulations de proximité entre initié et néophyte. Dieu n’y saurait voir de mal car, enfin, s’Il n’avait fabriqué les seins que pour l’alimentation des bébés, les femmes n’auraient de poitrine qu’après leur accouchement.
— Vous avez là un point…
— Crois-moi, il est dans la logique intrinsèque des choses de boire ce qui est buvable, d’admirer ce qui est admirable et de palper ce qui est palpable. Les humains doivent honorer ce qui est beau, c’est une des clefs de l’art de vivre autant qu’une volonté divine.
— C’est donc aussi la volonté divine qui me fait manier votre euh… vecteur ?
— Mais oui puisque sa tumescence requiert à l’évidence secours. Si tu devais rester inactive devant cette manifestation de Sa grandeur, Dieu en me mettant dans cet état aurait fait un ouvrage inutile. Or ces prêtres que tu écoutes nous le disent, Dieu ne fait rien en vain.
— Dites-moi, professeur, dois-je poursuivre l’expérience ?
— Mais certainement. Tu m’inquiètes. Régresserais-tu ? C’est là une vilaine question.
— C’est qu’à force de vous manœuvrer, je sens la science prête à jaillir.
— Tu t’y prends, il est vrai, de telle sorte que cela arrivera assez vite. Mais ne change rien à ta façon. Dis-moi, tu me sembles joliment informée de la manière dont fonctionnent les verges, professorales ou non…
— J’en ai pris en main de plus grosses, docteur, mais aussi de plus petites. J’ignorais bien jusqu’à ce jour que, ce faisant, je m’initiais à la métaphysique.
— Et tu apprends très vite, je te le répète. Tu es, du reste, en train de passer avec succès ton premier examen. Admire ta réussite…
Intriguée par la remarque et curieuse d’expliquer le désordre la suivant de l’autre côté du buisson, Cunégonde se risqua à jeter un œil à travers branches, épines et fleurs. Le couple, elle le constata, ne se souciait guère d’être observé. Elle le découvrit debout, de profil : Paquette troussée jusqu’à la taille, ne portant pas culotte, le compas de ses jambes bien ouvert, les seins nus ballottant, un grand sourire conquérant sur le visage. Elle tenait Pangloss des deux mains par un genre de poignée qu’il portait au ventre. Une boule ovale rouge faisait office de pommeau au bout de ce manche ; deux espèces de pelotes blanches et velues tressautaient sous lui à chaque mouvement que lui imprimait son tortionnaire. Car, à l’évidence, le philosophe souffrait. Il grimaçait et gémissait, un peu comme la douce enfant se souvenait avoir entendu un porc couiner alors qu’on le saignait dans une des porcheries de son père.
Cunégonde n’avait jamais vu, en fait de sexe mâle, que le bout du gentil moineau de son cousin Candide. À l’occasion de promenades qu’ils faisaient de concert, les deux jeunes gens avaient parfois l’occasion de se soulager ensemble de leurs légers besoins naturels. Elle laissait toujours Candide commencer l’exercice et s’accroupissait alors de façon à le reluquer de profil. S’y prenant de telle manière que ses jupons évasés cachassent le jet prenant source sous elle, la mignonne ne se privait pas de lever des regards persistants sur ce que son compagnon tenait en main. Il s’agissait là d’un charmant petit morceau de chair rose attendrissant la pucelle qui s’émouvait d’en voir couler à terre un mince filet d’eau. Là, c’est vers le ciel que le gros pommeau rouge activé par Paquette lançait des jets saccadés d’un liquide différent que Cunégonde eût été bien en peine de décrire.
Devant elle, un Pangloss épanché, rouge et soufflant comme forge essuyait maintenant de son mouchoir le devant de sa bedaine. Paquette, semblant prise de faiblesse, tomba à terre en geignant quoi que moins fort que le philosophe à la minute précédente. Mais elle n’avait pas lâché sa prise, tant et si bien que le malheureux qu’elle tenait d’une main ferme la suivit dans sa chute, mais de manière tellement maladroite que ses genoux évitèrent de peu le visage de son élève. Fallait-il, pensa Cunégonde, soucieuse, que ces deux-là fussent fatigués, insouciants l’un de l’autre, ou obnubilés par leurs travaux pour se retrouver ainsi étendus tête bêche, comme les figures d’une carte de jeu.
Guère de temps ne restèrent ainsi. Paquette tenta de se relever, mais, soudain pataude, retomba assise sur le visage de Pangloss dont les lunettes glissèrent sur le front. Voulant sans doute corriger sa maladresse, elle se redressa sur les talons, mais, à la surprise de l’innocente châtelaine, elle ne se mit pas debout. Bien au contraire, elle troussa plus haut ses jupons, écarta des deux mains ses rondes fesses et coula sa fourche sur le nez, la moustache et la bouche du malheureux philosophe emprisonné entre les deux cuisses blanches de son élève. Ainsi accroupie, Paquette roula des hanches pour assurer son assiette, comme la jeune châtelaine avait vu faire des poules se tortillant les flancs pour bien couver leurs œufs dans un des poulaillers paternels.
Et Cunégonde jugea que l’enseignement de la physique expérimentale requérait de drôles de positions d’apprentissage. Elle s’était maintenant à moitié redressée et rien n’entravait plus sa vue. Aussi visible fût-elle, comment le couple aurait-il pu la découvrir alors que seul l’œil noir du trou du cul de Paquette lui faisait face ? De l’infortuné Pangloss, elle ne voyait que le sommet du crâne, les lunettes et le haut des genoux.
Ainsi malmené par son élève maintenant couchée de tout son buste sur lui, comme le pédagogue devait souffrir. Cunégonde, impressionnée, avait eu le temps d’apercevoir, non sans émotion, la dense et sombre pilosité de la motte de Paquette. Une jungle comparée aux mèches éparses, blondes et bouclées qui ornaient le délicat mont de Vénus de la jeune fille. Le philosophe allait étouffer dans cette brousse, comment en douter ?
Et pourtant non. S’il ne parlait pas – il en eût été bien incapable, la bouche ainsi empoissée au buisson de Paquette – Pangloss bougeait du col, grognait mais, à l’évidence, sans ressentir ni manifester de déplaisir.
La vigilante observatrice qui ne voulait rien manquer de la leçon eut beau se dresser sur la pointe des pieds et écarter – en s’y piquant – des branches de framboisiers, elle ne parvenait pas à bien distinguer ce qu’il advenait de la grosse poignée rouge fixée au ventre du docteur. L’espionne eût été bien incapable d’expliquer cette curiosité qu’elle ne pouvait satisfaire. Elle en vint à se coucher à terre pour, l’œil au bon niveau, découvrir, stupéfaite que Paquette avait embouché le pommeau écarlate, le dissimulant ainsi à la vue. En fait, l’élève tétait son maître tel un poupon sa nourrice. Déçue, Cunégonde ne pouvait voir que la racine de l’outil ainsi traité et même pas les deux boules poilues aperçues plus tôt puisque Paquette s’y accrochait, une dans chaque main. La scène ne fut pas sans rappeler à la fille du château l’allaitement goulu des nouveau-nés dans une des chèvreries de monsieur le baron son père.
La déception de l’adolescente allait être encore plus amère quand Pangloss semblant ne trop savoir que faire de ses longues mains finit par les porter sur le gros derrière blanc sous lequel il manquait suffoquer. Les dix doigts y errèrent un moment comme à la recherche d’une prise, avant de s’accrocher des deux index dans l’orifice central. Plus rien à découvrir d’ordinairement caché dans l’enchevêtrement des deux corps. Fermement soudé, absent pour le reste du monde, le duo se mit à faire des sauts désordonnés sur la pelouse où il besognait, tant que Cunégonde se fit la plus petite possible derrière son rhododendron, de crainte d’être démasquée à l’occasion d’un rebond ou d’un autre.
Le spectacle de cette leçon agitait la pucelle et la transportait d’une puissante exaltation qu’elle eût été en peine de définir. Comme elle aussi aurait voulu apprendre pour devenir savante ! Pelotonnée, les fesses sur les talons, elle sentit bientôt une goutte suinter du dedans de l’aine au long du mou de sa cuisse. Relevant de quelques pouces ses jupons sur ses chevilles, elle découvrit comme une larme glissant sur un de ses mignons escarpins. Un moment elle craignit que sa vessie se fût échappée par inadvertance comme il arrivait qu’elle le fît dans sa tendre enfance. Mais non, nulle envie d’évacuation naturelle ne la taraudait. Portant la main à son entrecuisse, elle découvrit son intimité et la dentelle la recouvrant trempées comme si elle sortait de son bain toute habillée. La constatation lui fit froncer le sourcil et un instant elle se désintéressa du couple studieux continuant ses travaux pour se soucier de sa propre apparence. Aucune tache suspecte n’apparaissait sur le devant de sa robe. Mais qu’en était-il de l’arrière ? Il lui sembla être à ce point ruisselante que tout était à redouter. Elle rentrerait au château en rasant du dos les murs.
Elle en était là de ses réflexions quand le savant dialogue reprit de l’autre bord des broussailles qui la cachaient. Elle se redressa et jeta un œil. Le professeur et son élève avaient changé de position et Cunégonde se demanda ce que l’on pouvait apprendre dans leur nouvelle posture. Les deux étaient couchés l’un derrière l’autre, enfin, Pangloss derrière Paquette. La robe de la soubrette n’était plus qu’une torsade de tissus roulés entre le bassin et la poitrine dénudée où le philosophe s’accrochait à pleines mains. À son grand dam, la jeune fille ne put, cette fois non plus, apercevoir la drôle de poignée du maître qu’elle devina dissimulée entre les fortes fesses d’albâtre de son apprentie. En changeant légèrement de place, elle aurait pu peut-être mieux voir, mais désormais le couple, têtes à l’air, pouvait l’apercevoir. Elle se recroquevilla en petite boule et se contenta d’écouter – sans la visualiser – la fin de la leçon.
En fait, on parlait moins que l’on grognait. Quand même, elle entendit bientôt Pangloss continuer en hoquetant de dispenser son savoir.
— Comme on ne se nourrirait pas sans appétit, il nous serait impossible de concevoir des enfants sans concupiscence2.
— Mais aucune chance de faire des petits dans la place que vous semblez vouloir investir, maître.
— Je vis avec toi des instants délicieux, Paquette, mais la limitation de ton entendement me déplait parfois. Qui parle ici de désir de procréation ? Dieu n’aurait pu s’attendre à ce que chaque coït ici-bas engendrât progéniture ou l’univers entier ne serait pas suffisant pour accueillir Ses créatures. Il a, fort pertinemment, prévu une voie de dérivation aux fluides naturels mâles non destinés à la fécondation. Aide-moi de tes mains à ouvrir ce précieux canal.
— Oh là, attention ! …
— Il faut savoir souffrir pour apprendre.
— J’ai peur que vous me fassiez mal.
— Fais confiance à la philosophie que tu découvres. Aimer, c’est tirer son plaisir de la félicité d’un autre. Je ne veux que ton bien ultime, Paquette.
— Mais, veuillez m’en excuser, Maître, vous me tourmentez quelque peu.
— Cette douleur ne saurait être inutile. Elle est forcément bonne à quelque chose. Tu me béniras quand j’en aurai terminé de te sentir à nouveau libre du fondement…
— Ouf… Vous voilà dans la place. Mais que vous êtes gros pour l’étroitesse de mon trou de cul.
— Il faut toujours qu’il y ait une raison au pourquoi des phénomènes, ma gente amie. Ce que tu appelles gaillardement ton trou de cul et que nous autres latinistes nommons anus, culus ou podex, est clos par un sphincter circulaire se contractant ou se dilatant à la demande et selon l’usage. Ce n’est pas ainsi sans raison. Si Dieu n’avait pas voulu que le canal anal des femmes servît dans les deux sens, Il ne l’eût point fait comme nous le connaissons. Il en aurait limité l’élasticité, tout comme Il aurait réduit le diamètre de l’étron féminin qui en sort pour qu’il ne fût de la même taille que le phallus qui y entre. Ton boyau caudal serait en conséquence plus étroit et ne pourrait accueillir les civilités dont je l’honore. Crois-moi, Paquette et constate-le : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
— Il est vrai que j’ai de moins en moins mal.
— Je te l’avais bien dit…
Suivit une longue phase d’apprentissage toute en soupirs et ponctuée de glapissements. Intuitive, Cunégonde estima qu’à ce train, l’on approchait de la fin de la leçon et entama à croupetons sa retraite hors du parc. Elle s’arrêta bientôt, surprise par le ton soudain embarrassé des propos de Paquette.
— Vous sentez-vous tout à fait à votre aise, docteur Pangloss ?
— Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux qu’il soit possible d’aller, s’enthousiasmait le jubilant pédagogue.
— Et même si je vous disais que je suis peut-être un petit peu infectée d’une maladie introduite en notre belle France par les compagnons du grand Christophe Colomb ? L’élève semblait cette fois fort contrite.
— Que me dis-tu là ? s’étonna Pangloss incrédule. Pourquoi chercher ainsi à troubler mon bonheur ? Je goûte dans tes bras les délices du Paradis, Paquette. Dieu qui est bon et qui a forcément voulu ce qui nous arrive ne saurait m’en tenir rigueur. Tout étant conçu pour une fin, tout est nécessairement fait pour la meilleure des fins. Ne parle plus et profite de cette plantureuse amitié que je te témoigne.
Plaintes et grognements reprirent en crescendo et Cunégonde opta pour ne point en entendre davantage. Le dernier coup d’œil de la jeune fille à la paire maître-élève lui révéla Pangloss maintenant à genoux, collé à Paquette la joue au sol, le postérieur en l’air. L’ardente observatrice s’émut du tableau. Le professeur, lunettes retombées sur son gros nez, tenait les deux pieds de son disciple à la façon dont on déplace une brouette et poussait par à-coups sur la croupe offerte, comme pour la mettre en branle. Et l’ingénue jeune fille fut bien perplexe en se remémorant qu’elle avait déjà assisté à semblable branle-bas, dans une étable de son père quelques semaines plus tôt. Un gros bœuf à l’air mauvais s’en était pris à une pauvre vache de son entourage qui pourtant semblait ne lui avoir rien fait. Posant les pattes avant sur le dos de la malheureuse, le monstre semblait vouloir la chasser de la bouverie en la boutant à grands coups de panse dans l’arrière train. Certes, Pangloss avait l’air moins méchant que l’énorme bovin paternel, mais décidément, de conclure, songeuse, Cunégonde, l’initiation à la physique expérimentale demandait un engagement total de la part de l’élève. Serait-elle prête à tel sacrifice l’heure venue ? Paquette, elle, à l’évidence, agissait en disciple soumise, convaincue de la pertinence de telles exigences. En fait, la femme de chambre, yeux fermés, respiration haletante, ses longs cheveux bruns flottant en désordre autour de son joli minois, semblait aux anges.
Hélas, une dernière fois déçue de son infortune, l’invétérée curieuse, se tordant pourtant le cou, ne put revoir le rouge et noueux vecteur de connaissance du philosophe toujours profondément enfoui dans le derrière de la soubrette. Sûre d’en avoir assez appris pour une première journée d’initiation philosophique et, surtout, soucieuse de ne point être vue du duo besognant à la fin de la leçon, la jeune fille poursuivit sa retraite vers le château. Elle se redressa bientôt et accéléra son pas pour sortir du parc.
1 Il nous arrivera fréquemment dans nos pastiches de reprendre les mots ou les phrases de l’auteur pastiché. Le lecteur s’y retrouvera en constatant le changement de caractère des extraits cités : en italique dans un texte en roman et vice-versa, comme ici, en roman dans un texte en italique.
2 De nouveau, du Voltaire en intégral