Date : Vers 1833
Source d’inspiration : La lettre acrostiche attribuée aux deux auteurs Sand et Musset
Genre : Parodie licencieuse
Titre : Au lendemain d’une nuit d’amour, Alfred de Musset demande un autre rendez-vous galant à Georges Sand
Au lendemain d’une nuit d’amour, Alfred de Musset demande un autre rendez-vous galant à Georges Sand
Date : Vers 1833
Source d’inspiration : La lettre acrostiche attribuée aux deux auteurs Sand et Musset
Genre : Impertinence Littéraire
Titre : Au lendemain d’une nuit d’amour, Alfred de Musset demande un autre rendez-vous galant à Georges Sand
Présentation de la parodie
On se souviendra ici de la clef de lecture de la correspondance en vers des deux amants terribles de la littérature française du XIXe, telle qu’émise (dit-on, certains historiens ont des doutes) par Musset à Sand :
« Avec soin de mes vers lisez les premiers mots. Vous saurez quel remède apporter à mes maux. »
Nous les imaginons tous les deux une après-midi et la veillée suivantes où, chacun chez soi, mais pas très loin l’un de l’autre, ils trompent leur attente en s’écrivant.
Musset (lundi, 13h30)
J’ai le cœur à clamer le grand bonheur que j’ai
Eu à vous voir hier et à vous héberger.
Tant de fois j’eus regret, lorsque tombait le soir,
De vous voir me quitter sur un simple bonsoir.
Plaisir, ô quel plaisir, j’ai cette fois goûté
À vous garder à moi, à parler, vous flatter,
Baiser vos longs cheveux. Tout cela fut si tendre.
Avec quelle émotion vous vis-je vous détendre.
Vous sembliez me craindre avant, là beaucoup moins :
Si vous saviez ma joie ! Il faut aller plus loin.
Nous fûmes si heureux, que diriez-vous si nous
Remettions ça bientôt ? Je le mande à genoux.
Cela vous siérait-il si je vous suggérais :
Demain. Un « non »’ de vous, croyez-le, m’abattrait…
Sand (le même jour, 14h00)
Eh ! Que j’entends ici une aimable prière !
Pourquoi la rejeter ? Bien sûr que j’obtempère.
Pas mardi cependant, du moins avant la nuit.
Mercredi, ce sera, puisque passé minuit.
J’aime à répondre « oui ! » Et vois, je te tutoie,
Tant moi aussi hier, j’eus de joies avec toi.
Ton amour fut si pur. Ton respect si grand qu’il
Vit fondre à ton soleil ma méfiance inutile.
De toi, oui, j’avais peur. Que veux-tu, je te sais
Sacripant et sentais ma vertu menacée.
Quand je viendrai chez toi, cela dit, prenons garde :
Il ne faudrait pas que tes maîtresses, braillarde
Bande jalouse, me voie te visiter.
Dur de dire à minuit qu’on vient prendre le thé.
Raide avec mon renom d’écrivain, je dois faire
Fort attention aux traits des langues de vipère.
Et j’ai crainte aux ragots, aux règlements de comptes
Qu’il faut redouter de tes laissées-pour-compte.
Est-ce vrai que tant de femmes t’aiment et qu’il est
Long le compte de celles par toi répudiées,
À tes basques pendues, espérant, cher Musset
Jouir à nouveau de toi ? Ne nie pas, je sais.
Musset (14h30)
Je m’inscris là en faux. Célibataire, je
Sais fuir les pimbêches. Si je ne suis plus vierge,
Baiser tel papillon n’est pas dans ma culture.
Retenir mes transports est plus dans ma nature.
Mon goût est difficile. Je n’ai rien d’un Jean-
Foutre coureur de jupes ou satyre ou don Juan.
M’est avis qu’il convient de se méfier des femmes
Facile(s). Je choisis avec grand soin mes flammes.
Sand (15h00)
Pas certaine de ça ! Parmi tes relations,
Sûr que plusieurs ont foutue réputation.
Si je devais heurter les us de ce harem,
Je serais la cible d’injures et d’anathèmes.
Te peut-on visiter sans occasionner un
Branle–bas de combat dans les rangs féminins ?
Et, devant l’armée de tes admiratrices,
Pire, avoir à s’enfuir ou craindre des sévices ?
Si tu me garantis que nous serons tranquilles,
Je me rendrai chez toi, puritaine et fragile,
Te parler, t’écouter, rien de plus, comprends-tu !
Suce-picieux est mon cœur gardien de ma vertu.
Avec moi, tu seras tendre et calmeras tes
Ardeur(s). J’ai mes pudeurs : tu dois les respecter.
Le rejet du stupre m’est loi. Il est là le
Nœud de la question : J’haïs les bacchanales.
Musset(15h30)
N’ayez pas d’inquiétude à cet égard ni de
Peur. Je me sens, face aux femmes, emprunté, candide,
Ni hardi, ni galant, je suis maladroit et
Doute à l’heure d’aimer de mes capacités.
Je le crains : s’il fallait que nous fussions amants,
Saurai-je seulement ôter mes vêtements ?
Me faudrait compter sur vos baisers osés pour
Dominer ma vergogne et vous faire l’amour.
Sand (16h00)
Comment ! Je rêve ? « Compter sur mes baisers » ! Et
Tu nourris le culot de les vouloir « osés » !
Veux-tu bien m’épargner tels souhaits, misérable !
Que je n’entende plus de vœux si peu louables !
Je n’y crois pas : tu voudrais nu, sans pantalon,
Te présenter à moi et que tous les deux l’on
Fasse l’amour ? Quel front ! Dévêts-toi et je vais
Bander mes yeux de vierge ou encor me sauver.
Musset (16h30)
Vierge, vous seriez vierge ? Ô douteuse ingénue !
Et vous sauriez me voir, à vos côtés, tout nu,
Mon Dieu, sans me montrer le moindre intérêt ? Cet
Œil blasé me tuerait, démone que vous êtes !
Excusez-moi ici, mais, in petto, je fais
L’aparté que mon vit vous ferait bon effet.
Sand (17h00)
Attends-toi au contraire. Que veux-tu que j’y fasse ?
Tout en moi est pudeur. La gêne me pourchasse
De ses impératifs de réserve et décence,
Moi qui vis en horreur de la concupiscence.
Je suis prude femme et t’avise que je ne
Consentirai(s) jamais à forniquer. J’ai haine
Au plus haut point du paillard plaisir de la chair,
Pire que tout pour moi, fatiguant et vulgaire.
Musset (17h30)
Je peine à vous suivre et mets les pieds dans la plate-
Bande. Envisagez, avec moi, chère spartiate,
D’y aller de façon plus cordiale. Oui, j’aime à
Penser que nous pourrions dormir sans pyjama…
Sand (18h00)
Moi, coucher avec toi dans mon simple appareil !
Je rêve une autre fois, n’en crois pas mes oreilles !
Me faut-il répéter que je suis Sainte-Ni-
Touche et que tu ne verras, ni en priant ni
En pleurant, mon corps et ses appâts. J’ai peine en
Écrivant à calmer mon courroux fulminant !
Musset (18h30)
Mouillez mieux votre plume à l’encrier, voulez-
Vous ? Je lis mal (Pardon de vous le signaler.)
Sand (19h00)
Comme un enfant fâché, voici que ma colère
Source en larmes à mes yeux : elles ont souillé mes vers.
Musset (19h30)
Laissez passer cette ire ! Allons, épargnez m’en
L’effet dévastateur. Si je ne suis pas en
Odeur de sainteté en vous parlant d’amour,
Sur bien d’autres sujets, je vous tiendrai discours.
Votre calme venu, mon désir restera
Lettre morte, à vos flancs. Mais ne suis point castrat …
Sand (20h00)
Voilà bien là ma peur : Alfred, tu es un vrai
Cochon ! Sache que ta réputation m’effraie.
Musset (20h30)
J’hume, dans l’air du soir, des flagrances émollientes
Et vos diatribes hélas sont aussi anémiantes.
C’est ainsi que d’un homme on coupe les élans.
Bon sang ! Laissez-moi donc être avec vous galant !
Sand (21h00)
Quoi, galant ? Voici, polisson, que tu y viens
Encore ? À tes pulsions vas-tu mettre le frein ?
Musset (21h30)
Je vous sens si crispée, or votre compassion
Veux que vous mollissiez, afin que nous puissions
Voir à tenir ensemble un concert amical.
Votre cœur généreux ne saurait faire le cal-
Cul de m’abandonner, seul, amer, angoissé,
Nu dans la nuit glaciale, si vous me repoussez.
Sand (22h00)
Les vœux que tu m’écris me font tomber sur les
Fesses. Quelle alternative ! C’est à hurler.
Ou je résiste à tes sollicitations, ou
Bien, je m’abandonne ? Or j’en ai le dégoût.
Le mépris que j’ai du péché me plonge en un
Trou noir débilitant où mon astre s’éteint.
Musset (22h30)
Les peurs qui vous obsèdent, il faut les conjurer !
Trois minutes avec moi et vous les oublierez.
Bien quiète à mes côtés, vous verrez, qu’ils seront
Écartés vos soucis. Tous deux nous en rirons.
Sand(23h00)
Seulement si tu me respectes. Oh je te prie
D’y aller sagement et sans effronterie.
Penser que tu m’invites en souhaitant forniquer
Me choque… Mon bateau pour Cythère est à quai,
Fait d’un bois si léger que j’ai peur qu’il ne puisse
Mouiller à ton bassin et s’ancrer à ta cuisse.
Plus j’y pense ce soir, hélas et plus je crains
Fort que la croisière me mène en plein pétrin.
Musset (23h30)
Amenez ce bateau, je saurai l’accueillir.
Vous pourrez dans mon port accoster sans faillir.
Ça je le promets. Nous voguerons sans heurt ni
Presse, de conserve, en merveilleuse harmonie.
J’entends vous obéir. Soumis, vous me verrez
Manger dans votre main. Las, je respecterai
Votre aversion du cul, mais ne sors pas du même
Moule que vous. Cette astreinte est pour moi problème.
Sand (minuit)
Elle est règle chez moi et je te préviens que
T’attend ma grogne si tu te montres impudique !
Impatiente à l’espoir de te faire réagir,
Je n’en démordrai pas, il te faut t’assagir.
Veux-tu t’y engager : tu ne me feras qu’un
Baiser, celui d’un frère et rien de plus coquin.
À prendre ou à laisser ! Dis-moi que dans le fin-
Fond de ton cœur d’ami tu m’as comprise enfin.
Musset (mardi, 00h30)
Comment, si votre corps est à ce point rétif,
Voulez-vous profiter de vrais instants festifs ?
Vous prendrez sur vous, oserez. Je crois qu’il faut
Jouir des chances qui passent. Il n’y en a pas trop.
Sand (1h00)
De me brusquer ainsi ne fait que m’endurcir !
Toutes tes manigances échouent à m’adoucir.
Les plus fières des femmes – j’en suis – veulent des
Façons nobles de qui prétend les posséder.
Amoureuses, il leur faut tous les ménagements
Possibles avant d’exprimer leur consentement.
Musset (1h30)
Même si je promets d’être avec vous distant,
Par probité je dois l’avouer cependant :
En rêveur endurci, j’aurais bien deux ou trois
Arrière-pensées. Je les tais toutefois.
Sand (mardi 2h00)
Pourquoi les dirais-tu ? Tu le sais qu’elles sont vaines.
Pas question d’échanger sur tes visées obscènes.
Mais où vas-tu chercher tant de desseins salaces !
J’aime à te lire mais déplore que tu fasses
Autant de commentaires et d’allusions lubriques
Devant moi qui ne crois qu’en l’amour platonique.
Musset (le même jour, 2h30)
Je déteste Platon. N’en parlez plus ou j’en
Viendrai à douter de votre bon jugement.
Aux calendes grecques qu’elle aille la tantouse !
Deux mille ans qu’elle est morte la vieille barbouze.
Sand (3h00)
Aux temps noirs de la nuit, Musset, tu es grossier.
Trois coups à mon horloge, avant de me laisser,
Tu dois conclure ici qu’il va falloir que tu
Oublies toute intention d’agresser ma vertu.
Ma décision est ferme : je ferai la fine
Bouche à toute proposition libertine.
Musset(3h30)
Vous y tenez ? Soit ! Vous resterez rosière et
Prendrez vos distances comme vous l’entendrez.
Votre froideur fait que je ne sais trop sur quel
Pied avec vous danser. C’est bon, je suis formel :
Juré c’est bien juré – cochon qui s’en dédit ! –
Promis, je serai sage. Eh bien, à mercredi.
Au milieu de la nuit. Je saurai vous attendre,
Moins amoureux qu’ami, plus réservé que tendre.
Vingt-quatre heures à languir et voilà, comme à chaque
Fois que vous me venez, je suis transi de trac.
Sand (4h00)
N’exagérez donc pas ! Alors, c’est bien exclu :
Pas de stupre entre nous et le tout est conclu.
Sacré, ce rendez-vous. À vous y voir ! Sachez
Queutard(!) il est ce soir et je vais me coucher.