Auteur : Traditions orales de Normandie
Date : IXe siècle
Source d’inspiration : Le premier voyage de Tristan et Iseut
Genre : Pastiche osé
Titre : Coup de foudre en mer

Mise en contexte du pastiche

Tristan et Iseut sont sur la nef qui a quitté l’Irlande.  La mère d’Iseut, une magicienne de première, redoutant que sa fille n’aime guère le barbon à qui elle est destinée, a confié à Brangien, l’amie et fidèle suivante de la princesse, un philtre de sa concoction que le vieux roi et sa jeune promise devront boire juste avant leur nuit de noces.  La magique bibine garantit amour commun éternel au couple qui la boira.  

Or, voici que notre fier chevalier et la superbe blonde qu’il escorte sur l’eau sont pris d’une petite soif …  Et bonjour les dégâts !

Présentation de la légende celtique

Tristan de Loonois est un super chevalier : combattant invincible, merveilleux harpiste et fabuleux conteur.  Pourfendeur de colosses, comme David, tueur de monstres, comme Hercule ou Thésée, il a la beauté du David de Michel-Ange, le charme et l’amabilité du Pâris de la Guerre de Troie, la bravoure et l’élégance du Lancelot de la Table ronde.  C’est le prototype du paladin celte, le premier héros de l’amour courtois moyenâgeux.

Avec Iseut la blonde aux cheveux d’or voici la pure entre les pures, la noble entre les nobles, la blonde entre les blondes.  Championne toutes catégories des beautés de son temps, cette princesse de haute volée, fille du roi d’Irlande, est encore vaguement magicienne, guérisseuse, une presque déesse : de l’héroïne de premier choix …

Une alliance politique destine la jeune merveille au roi Marc de Cornouailles, l’oncle de Tristan.  Au nom de son suzerain, le chevalier a navigué sur la mer Celtique pour aller chercher la future reine et la conduire à son promis.  

Sur la nef qui les mène d’Irlande en Cornouailles, le preux et la belle vont voir leur existence basculer alors qu’une force irrépressible les pousse dans les bras l’un de l’autre.  Dès lors, ils vont s’aimer d’un amour absolu, plus charnel que cérébral, involontaire, incontrôlable.  Après moult péripéties qui constituent leur légende, cette passion coupable conduira inéluctablement les deux amants à la mort.

Les médiévalistes notent que cette histoire se caractérise par un érotisme tout à fait unique en son temps. Certes, les frasques des dieux de l’Olympe ont abondamment nourri l’imagination occidentale, mais les grands écrits qui nous restent des mille ans du Moyen-Âge répugnent, dans leur quasi-totalité, à aborder l’amour charnel.  Le philtre magique réputé avoir subjugué les amants maudits a bon dos : Tristan et Iseut vont copuler avant même de se vraiment connaître.  Ici, on ne se conte pas fleurette, on ne se courtise pas en longs préliminaires.  La relation qui s’établit et dure entre la jeune reine et le rude preux est essentiellement fondée sur leur irrépressible attirance sexuelle mutuelle.  

Silence, on baise !  Une invitation d’exception à l’imagination du pasticheur

LE ROMAN DE TRISTAN ET ISEUT1

 (Avec nos excuses à Joseph Bédier)

COUP DE FOUDRE EN MER

Abandon du texte original à :

Tristan vint vers la reine (…). Comme le soleil brûlait et qu’ils avaient soif, ils demandèrent à boire.  L’enfant (une petite servante de la princesse) chercha quelque breuvage, tant qu’elle découvrit le coutret confié à Brangien par la mère d’Iseut. « J’ai trouvé du vin ! » leur cria-t-elle. Non, ce n’était pas du vin : c’était la passion, c’était l’âpre joie et l’angoisse sans fin, et la mort.  L’enfant remplit un hanap et le présenta à sa maîtresse.  Elle but à longs traits, puis le tendit à Tristan, qui le vida2.

AJOUT

Le breuvage secoua Tristan comme l’eut fait un alcool fort.  Décontenancé, comme au sortir d’un mauvais rêve, il ouvrit la main et le hanap tomba.  Iseut, prise elle-même d’une soudaine torpeur, frémit au bruit que fit le vase en rebondissant sur les planches du pont.  Elle leva les yeux sur le chevalier de Loonois.  Les deux se regardèrent un long moment, pensifs, silencieux, égarés et ravis3.  Ainsi est-on parfois devant un grandiose coucher de soleil.  

Qui les aurait surpris à cette minute aurait su que l’amour venait de s’emparer de ces deux nobles créatures.  Mais nul ne les vit, les hommes de leur suite et les mariniers de la nef ayant accosté sur une île voisine, les laissant seuls à bord avec l’enfant-servante de la princesse qui, prise de fatigue, s’endormit vite et d’un sommeil profond.

Iseut, interdite, ne sachant trop ce qu’il convenait qu’elle fît devant l’étrange langueur qui la gagnait, se retira dans la tente dressée pour elle entre les flancs du vaisseau et s’assoupit à son tour.  Tristan s’assit à la proue.  Songeur, son regard tantôt se posait sur la toile derrière laquelle reposait l’objet de ses pensées, tantôt se perdait sur les flots frisant les flancs du bateau.

Long de temps passa.  Le preux se mit à harper pour tromper sa mélancolie et joua bellement en chantant quelques vieux lais de Bretagne célébrant les prouesses de Graelent.  Il improvisa bientôt une mélodie narrant les amours impossibles d’une reine à la beauté de déesse et d’un jeune page.  Une fin tragique à la chanson : le malheureux se jette d’une haute falaise sur des rochers à marée basse. 

Il faisait si chaud.  Tristan posa son instrument, laissa tomber ceinture, sandales et épée à ses pieds et se débarrassa de son bliaut.  Nu comme au premier jour, il plongea dans les eaux fraiches où il se mut avec l’aisance d’un Triton.  Parfois, on le voyait disparaître de longs moments sous l’onde.  À d’autres temps de sa baignade, il se couchait comme en son lit sur le dos calme de la mer et ondulait à son rythme, tel baudruche tombée dans un bassin.

La harpe et les chants tristes de Tristan avaient réveillé la future reine qui les écouta en frissonnant, des larmes qu’elle ne s’expliquait pas dans les yeux.  Le son de la plonge la fit se lever.  Anxieuse et curieuse à la fois, elle chercha son chevalier lige et s’alarma de ne le point voir.  Avisant ses effets à la proue de la nef, elle gagna, du pas lent de ses pieds nus, comme sous l’emprise d’un aimant malin, le bastingage d’où Tristan avait sauté dans la mer.  

Les yeux de la belle le découvrirent et ne le quittèrent plus.  Comme un Christ crucifié sur l’eau bleue, le guerrier au corps nu magnifique flottait, immobile, bras ouverts, yeux fermés, livré au grand soleil à quelques verges de l’embarcation.  Iseut le trouva beau et son cœur se mit à battre avec une force telle qu’elle l’entendait tambouriner dans tout son être.  

Elle n’avait jamais vu d’hommes nus de la tête au pied et s’étonna de découvrir le sexe à demi érigé du fier nageur.  Elle ne put s’empêcher de l’admirer et se sentit envahie d’un genre d’engourdissement proche de l’hypnose.  Elle interrogea son noble cœur et ne put le comprendre.  Pourquoi ne se retenait-elle pas de fixer le corps du héros de Cornouailles comme si cet homme lui appartenait ?  Quelle force surnaturelle la figeait languissante et sans ressort devant lui, le ventre en émoi ?  Seigneurs, c’était son sang où coulait le boire herbé de sa mère qui bouillonnait et parlait en elle.

D’un geste lent d’automate, elle défit la coiffe de baptiste dentelée retenant ses longs cheveux d’or qui tombèrent en cascade bien plus bas que ses épaules.  Son léger chainse de chanvre lui sembla bientôt aussi chaud et pesant qu’une de ces peaux de bête dont on se vêt l’hiver aux grands froids.  L’idée singulière, aussi forte que spontanée, lui vint de s’en débarrasser.  Il lui fallait être pareille à cet homme couché sur l’eau.  Avait-elle d’autre choix que de se mettre nue puisque lui l’était ?  La blonde défit lentement le nœud du laçage entre ses seins.  

Tristan ouvrit les yeux et découvrit la jeune reine dressée à l’avant de la nef, le soleil auréolant d’or sa tête à l’ovale parfait, une main sur le cœur, belle comme la plus merveilleuse des figures de proue.  Il vit qu’elle le regardait sans prononcer un mot, sans faire le moindre mouvement, sans afficher d’émotion sur son visage de madone, comme une proie fascinée par son prédateur.  Il eut pu plonger pour se dérober à son regard.  Il ne le fit point.  Tout au contraire, guidé par une impulsion plus forte que sa volonté, il s’y prit de telle sorte qu’il se rapprocha du bateau.  Il fallait qu’elle réagît d’une manière ou d’une autre à l’offrande qu’il lui faisait de sa nudité, comme en tournoi la belle jette une fleur au combattant qui porte ses couleurs.  Quelque chose d’incontrôlable en lui, le philtre de la reine mère d’Iseut, anéantissait son immense pudeur et faisait tomber toutes ses réserves de chevalier franc, pur et sans reproche.  Les yeux dans les yeux de la vierge majestueuse qui le dominait de toute sa taille et de la hauteur du vaisseau, il se montrait sans retenue, aussi naturel et confiant qu’un nourrisson soigné par sa mère dans un bain d’eau bienfaisant.

Bravant le ciel d’un horizon à l’autre, la vierge se hissa avec grâce sur la main-courante du bateau.  L’air grave, consciente de l’étrangeté presque surnaturelle du moment qu’ils vivaient, elle hocha la tête et calmement, d’un geste imperceptible à l’homme à la mer, poursuivit sur sa poitrine et bientôt son ventre le délaçage de son long vêtement qui tomba à ses pieds.  Sous le chainse, une seule chemise blanche de lin à large encolure pendait à ses épaules.  Elle glissa sans bruit de ses hanches et un instant fit, dans le dos de la belle, comme une voile claire gonflée par le vent. 

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Fière, souveraine, la blonde apparut telle qu’en elle-même, parfaitement nue et merveilleuse, dressée pareille à un marbre d’Aphrodite, peut-être encore plus belle que la déesse de l’amour.  On n’entendait que le clapotement des vaguelettes sur le bateau oscillant doucement.  La peau blanche de la princesse semblait capter sur elle tous les rayons du soleil et les renvoyer aux quatre points cardinaux en illuminant le jour.

Le temps parut s’arrêter, comme si plus rien dans ce monde n’existait que ces deux corps nus au soleil.  Et puis, à gestes lents, comme un aigle impérial au nid préparant son envol, Iseut, bras ouverts, sans quitter Tristan du regard, s’élança majestueusement vers lui dans l’océan si calme qu’on eut dit un étang bleu azur luisant au grand soleil.  

Jamais de sa jeune existence la fille du roi d’Irlande n’avait appris à se mouvoir dans l’eau, mais que pouvait-il lui arriver avec le héros de Cornouailles à ses côtés ?  Elle ne pensa pas une seconde qu’elle courût quelque danger.  Elle se donnait toute au chevalier, lui confiait son âme, son corps et sa vie.  Plus rien ne comptait pour elle que cet abandon total.  Qu’importât ce qu’elle était avant, ce qu’elle serait après cet instant d’infini.  En sautant de la nef, elle s’envolait vers un monde inconnu fait de bonheurs à découvrir, d’amour absolu à partager … et de renoncements qu’elle ne craignait pas.  

Elle aurait voulu planer.  Elle s’abîma plutôt toute droite dans l’onde, pieds serrés, bras au corps, s’enfonçant dans les eaux claires sans y faire le moindre remous. 

Tristan la vit disparaitre.  Le temps lui parut interminable avant qu’elle remontât à quelques toises de lui, à la manière d’un liège jaillissant d’une eau calme.  Les mèches de sa chevelure aspergèrent la lumière de giclées de fines perles lumineuses.  Elle respira goulument l’air marin salvateur et fit face au chevalier, inquiet, la couvant du regard.  Elle sut ne faire aucun mouvement et flotta, ses cheveux d’or devenu ambré, épars comme les pétales d’un tournesol bouffant sur l’onde et semblant l’y maintenir en surface.  En quelques brassées puissantes, le nageur la rejoignit et lui tendit la main.  Le mouvement qu’elle fit pour la prendre la déstabilisa.  Craignant qu’elle disparût sous l’eau, il la saisit à la taille et la maintint contre lui, sa joue pressée sur la sienne.  Un instant, le corps collé l’un à l’autre, ils tournoyèrent comme s’ils dansaient dans les flots.  Alors Tristan eut peur et cette peur parut délicieuse à ce preux qui ne tremblait jamais.  Fébrile sous l’effet d’un curieux mélange de doute et de bonheur, il se détacha d’elle, lui offrit son dos et entreprit de la ramener à la nef, à cheval sur lui, comme une sirène sur un dauphin.  

Iseut n’était pas créature froide à queue d’écailles mais femme de chair et de sang.  Elle s’émut vite au frottement de son entrejambes sur les reins de l’athlète.  Elle s’accrocha aux mâles épaules et coucha bientôt sa poitrine aux seins dressés sur le dos qui la portait.  Les mouvements de Tristan sous elle devinrent autant de caresses sur ses mamelons érigés, son pubis bombé, les lèvres et le bouton de son sexe gonflés par le désir.  Écartelée, haletante, elle eut pu mourir de plaisir à cette minute mais, la tête en feu, elle ne voulait que vivre.  Elle posa tendrement sa bouche entre les omoplates du paladin et glissa son front sur sa nuque. Son bassin allait et venait sur le fessier saillant du nageur, ses bras blancs s’enroulaient autour du torse puissant, ses jambes épousaient les siennes.  Chaque brassée de leurs cuisses soudées ouvrait davantage sa vierge intimité.

Point mouvant singulier sur l’immensité de l’océan, ils semblaient ne former qu’un seul corps, minuscule fétu de vie dans l’univers, comme s’ils étaient les uniques survivants de la race humaine dans un monde oublié de Dieu.  La belle ferma bientôt les yeux et songea qu’elle pourrait dans cet équipage faire le plus long périple qui se pût imaginer à l’instar du vieil Ulysse des légendes grecques.

Revenu par l’arrière du bateau, Tristan l’a prise dans ses bras.  Pendue à son cou, elle s’est grisée de sentir à chacun de ses pas le pieu érigé de son porteur ballotant contre le moelleux de sa croupe.  La veille de leur départ, sa mère lui a expliqué la vocation du sexe mâle à entrer en elle pour la faire femme.  Toute vergogne annihilée, elle a desserré l’étreinte de ses bras, creusé le dos, déplié les genoux, tendu ses pieds vers le ciel et s’est laissée glisser sur le torse du chevalier à la rencontre du membre vibrant contre sa chair.  L’homme nu en gémit d’une façon telle que la vierge sut qu’il aimait le sauvage attouchement : langoureuse, elle bougea du dos pour le mieux pratiquer.

Iseut n’a cessé de le fixer dans les yeux, d’un air plus grave qu’amoureux, comme pour assumer la hardiesse de ses gestes.  Tristan, a ralenti sa marche, pour mieux goûter la douce chaleur femelle sur sa virilité à ce point distendue qu’elle en est devenue douloureuse.  Le bateau n’était pas si long, vite ils en atteignirent la proue où Tristan déposa la belle sur leurs vêtements mélangés.  

• Seigneur, donnez-moi le baiser de merci et de paix, dit-elle en lui tendant les lèvres.

• Pourquoi m’avoir appelé seigneur ? Ne suis-je pas votre homme lige, votre vassal, pour vous révérer, vous servir et vous aimer comme ma reine et ma dame ?

• Non, tu le sais, que tu es mon seigneur et mon maître ! Tu le sais que ta force me domine et que je suis ta serve

• Fille de roi, qu’est-ce donc qui vous tourmente ? 

• Je vous le dirai sans mensonge, c’est l’amour de vous.

• Moi aussi, je vous aime, ô ma reine, soupira Tristan.

• Notre amour est de telle guise, lui dit-elle, que jamais nous ne pourrons jouir, vous sans moi ni moi sans vous …4

Il tomba à genoux près d’elle, sa vibrante érection sous les yeux de la blonde.  Elle y porta bientôt la main, comme si c’était là le geste le plus naturel du monde, celui d’Ève encourant les foudres divines pour provoquer l’amour d’Adam.  Les doigts de la belle s’enroulèrent autour du rude mandrin se rejoignant à peine tant le puissant membre se gonflait de vie.  Tristan frémit sous cette franche caresse, la plus douce qu’il ait jamais reçue de sa vie de puceau.  Il lui sembla que, sous la tendre et pressante empoignade, son sexe se changeait en un cep de vigne noueux et vivace, prenant ses racines dans le sang de son cœur et poussant irrésistiblement ses sarments vers le corps dénudé d’Iseut.

« Ceux qui boiront de ce philtre ensemble s’aimeront de tous leurs sens et de toute leur pensée, à toujours, dans la vie et dans la mort », avait dit la reine d’Irlande. 

« Vienne donc la mort ! » dit Tristan de Loonois, en se penchant vers les lèvres d’Iseut la blonde.  Les amants s’étreignirent ; dans leurs beaux corps frémissaient le désir et la vie. Elle ouvrit grande sa tendre bouche à la langue du chevalier qu’elle aspira et massa de la sienne.  Ses gestes se firent plus déterminés sur le membre emplissant sa main, comme si elle souhaitait à jamais se l’approprier.  Elle écarta ses genoux aussi largement que sur l’eau lorsqu’elle chevauchait le nageur.  Las, il hésitait à prendre ce qu’elle lui destinait.  Elle devina qu’il n’avait jamais connu de femmes et jugea qu’il lui fallait l’aider.  Prenant appui sur ses orteils et ses épaules, elle s’arqua, et, son dos ne portant plus au sol, exhiba du mieux qu’elle le put la vallée de son ventre au désir de son compagnon.  Des larmes vinrent aux yeux de l’homme qui, tremblant de tous ses membres, restait interdit devant le sexe offert  

Pressentant qu’elle en savait plus que lui sur la conduite à tenir dans une lice amoureuse, la chaste, la prude blonde comprit qu’elle devait dicter l’ordonnancement de leurs amours.  Ses fines mains poussant tendrement sur les durs pectoraux de Tristan, elle le fit se coucher et enjamba le mâle bassin comme s’il se fût agi du dos d’un destrier.  Il se laissait dominer, le visage grave, conscient de toucher au pic de sa vie d’aventures.  Tout ce qu’il avait pu connaître et réaliser d’exploits l’amenait, il le savait, à cet instant intemporel où la vierge reine et lui allaient jouer leur âme et leur vie en se donnant l’un à l’autre.  Il ferma les yeux dont maintenant coulaient ses larmes, en laissant la main d’Iseut le conduire au plus profond d’elle.

 « Vienne donc la mort ! » chuchota-t-elle à son tour à l’oreille de Tristan avant d’entamer la première de ces chevauchées à la fois douces et barbares qui allaient mener les deux amants à leur fatal destin aussi sûrement que l’hiver succède à l’été.

Nul ne fut témoin de ce qui s’ensuivit ; mais, par six fois avant que ne tombât le jour, il sembla que la brise de mer portait loin vers le large des cris en duo où s’exprimaient bonheur, jouissance et souffrance, comme la mélopée chimérique de sirènes endiablées. 

Seigneurs, il sied au conteur qui veut plaire d’éviter les trop longs récits. La matière de ce conte est si belle et si diverse : que servirait de l’allonger ?  Je n’en dirai pas plus ici.

Reprise du texte original à :… Liés à jamais, ils s’abandonnèrent à l’amour5


1 Tristan et Iseut est un mythe littéraire. D’abord narrée par des trouvères normands au neuvième siècle, cette histoire entre dans la littérature écrite vers 1170 et n’a cessé depuis d’être adaptée, modernisée, rééditée au fil des siècles.  La version quenous pastichons ici est la plus célèbreenfrançais, celle de Joseph Bédier, publiée en 1900 à Paris, aux éditions Henri Piazza.

2 Page 42 de notre ouvrage de référence: https://www.larevuedesressources.org/IMG/pdf/leromandetrista00bd.pdf

3 Il nous arrivera fréquemment dans nos pastiches de reprendre des mots ou des phrases de l’auteur pastiché. Lelecteur s’y retrouvera en constatant le changement de caractère des extraits cités : en italique dans un texte en roman et vice-versa, en roman dans un texte en italique.  

4 Dialogue calqué sur l’écrit original de Joseph Bédierqu’il reprend pour presque moitié 

5 Page 46 de notre texte de référence