Auteur : Paul-Louis Courier
Date : 1825
Source d’inspiration : Une bonne âme déniaise un berger
Genre : Pastiche osé
Titre : L’initiation de Daphnis

Mise en contexte du pastiche

De saison en saison, les années passent à Lesbos.  Daphnis, désormais tout fringant, est devenu amoureux fou et entreprenant de Chloé, mais ne sait toujours pas comment s’y prendre pour consommer leur union.  Platon veille au grain, mais Éros n’a pas dit son dernier mot.  Les jeunes gens croisent la route d’un vieillard libidineux du nom de Philétas qui les émoustille et les laisse sur cette grande vérité : Il n’est remède ni breuvage quelconque, ni charme, ni chant, ni paroles qui guérissent le mal d’amour, sinon le baiser, embrasser, coucher ensemble nue à nu.  Et voilà nos tourtereaux bien excités qui rêvent de s’essayer.  S’embrasser ?  Parfait !  Dès lors, ils n’arrêtent plus.  Mais difficile d’être nus et tranquilles ensemble : un jour, il fait froid, le lendemain, l’un ou l’autre n’ose pas, une autre fois on les dérange.  Ils ont pourtant souvent l’occasion de voir comment boucs et béliers procèdent et les jeunes gens du reste s’échauffent aux spectacles donnés par leurs animaux.  Mais bon, quand on ne sait pas on ne sait pas.  Et Daphnis, taraudé par ses hormones pleure à grosses larmes.  

Une accorte voisine qui épie les amoureux maladroits, s’émeut de l’état dans lequel se met l’ignorant puceau.  C’est, nous dit l’auteur, « certaine petite femme jeune et belle et délicate (…) qui avoit nom Lycenion. »  Cette bonne âme, épouse d’un homme « ayant jà passé le meilleur de son âge » (comprendre « inopérant ») aurait bien un faible pour le jeune éphèbe.  Elle décide de faire d’une pierre deux coups (en fait plutôt trois, prétendrons-nous) : se taper son jeune voisin et, ce faisant, par solidarité féminine, l’initier aux choses de l’amour au bénéfice de Chloé.  Sous un vague prétexte, elle demande l’aide de Daphnis qui la suit.

DAPHNIS ET CHLOÉ – 2

 (Avec nos excuses renouvelées à l’auteur et ses traducteurs)

L’INITIATION DE DAPHNIS

Abandon du texte original à : Elle le mena loin de Chloé, dans le plus épais du bois, près d’une fontaine où l’ayant fait seoir1 :

AJOUT

  • Tu aimes, lui dit-elle, Daphnis, tu aimes la Chloé.
  • Plus que tout au monde, Madame.  Je fonds et péris d’amour pour elle et veux la prendre à femme.
  • Les nymphes me l’ont dit cette nuit et m’ont conté les pleurs que tu faisois souvent de ne point connaître le remède de l’amour.
  • Tout cela ne sauroit être plus vrai.  Je me sens le cœur malade ne plus ne moins que d’un venin qui l’eût consumé.  Je me meurs d’ignorer la médecine qui apaise l’amour et me languis de la connaître.. 

L’air étoit doux dans le trou de verdure où elle les avoit conduits, les abritant du chaud du midi.  Il embaumoit de fleurs sauvages qui n’y manquoient pas, et bruissoit de bourdonnements d’abeilles, de chants de cigales et de gazouillement des oiseaux les plus rares et les plus beaux de l’île.  La vie couloit là bien paisible et sereine. Un peintre eut fait magnifique tableau de la jolie petite femme et du grand chevrier au bord de la fontaine.  Lycenion soupiroit.

  • Dis-moi, Chloé t’aime-t-elle ?
  • Elle a juré devant les muses de vivre et mourir avec moi.  Elle sait que je me tuerois si elle en aimoit un autre.
  • Elle aussi souffre d’amour ?
  • Oh oui et peut-être encore plus que moi.  Quand nous nous mettons nue à nu, c’est toujours elle la première à enlever sa chemise.
  • Que faites-vous alors ?
  • Nous nous tenons bras à bras, entre-baisant nos bouches, tous pâmés et soupirant mais rien n’arrive.  La nuit vient et nous trouve ainsi, liés comme roseaux, mais toujours pas délivrés d’amour.  Quand nous nous séparons sans y avoir fait rien davantage, nous avons mêmement elle et moi le fiel au cœur, l’eau aux yeux et le mal au ventre.

Je vois, dit Lycenium, la main sur le cou de Daphnis qui sembloit tout prêt à sangloter.  D’un geste que l’on eût pu croire maternel mais qui ne l’étoit point tant que cela, elle l’attira sur son épaule, consciente de lui offrir ainsi la vision de sa gorge rebondie ballotant doucement au col béant de sa robe.  Il faisoit chaud sous la dense frondaison dans la petite clairière où ils reposoient.  Une fontaine y couloit sous verte feuillade dont l’eau s’épandoit en forme de bassin, nourrissant au devant une herbe fraiche et touffue.  Soudain, le chevrier quitta le sein qui l’accueilloit, et se redressa vivement sur son séant, ses longs cheveux noirs fouettant la joue de la jeune femme.

  • Madame, ne devions-nous pas chercher ici un oison qu’un aigle vous emporta au lever du jour ?
  • Certes, mais reste encore assis un instant près de moi.  Repose-toi sur ma poitrine et écoute ce que j’ai à te dire.  Ces nymphes qui m’ont visitée cette nuit m’ont commandé que je t’ôtasse de ta peine en t’apprenant l’œuvre d’amour.
  • Vous connaissez le remède ? vibra l’homme enfant.  Vous me feriez partager votre science ?
  • Au nom de Pan, oui, pour toi et aussi pour Chloé.  Ne fais seulement que te donner à moi, apprenti joyeux et gaillard, et moi, pour l’amour des nymphes, je te monterai ce qui en est.

Daphnis perdit toute contenance tant il fut aise à ouir telles paroles.  Si se met à genoux devant Lycenion, la priant à lui montrer ce doux faire.  Les yeux au plus profond des siens il ne vit plus que son sourire rusé.  Elle en profita pour relever le bas de sa robe jusqu’au milieu de ses deux cuisses ouvertes.  Reviens sur moi dit-elle.  Il me faut d’abord t’expliquer de grands et merveilleux secrets…

  • Et moi, bafouilloit-il en retombant la joue sur le sein de la belle, je vous promets un chevreau de lait, des fromages frais, de la crème et la chèvre avec.
  • Je ne t’en demanderai pas tant, l’apaisa-t-elle, un doigt sur sa bouche pour le faire taire.  Dis-moi Daphnis, as-tu bien observé comment font tes boucs et les béliers en devoir de saillir leurs femelles.
  • Mille fois, madame, et Chloé mêmement les a vus faire.
  • N’avez-vous eu idée de faire comme eux ?  
  • Nous en avons parlé Chloé et moi.  J’ai même essayé comme eux font d’embrasser le derrière de ma bergère de grands coups de langue, mais n’en n’avons pas été apaisés plus que cela ne elle ne moi2.

Lycenion rougit violemment à l’évocation de l’osée caresse amoureuse.  Elle soupira, l’air songeur.  Sa poitrine se souleva sous la tête de Daphnis et ses genoux s’écartèrent un peu plus sur l’herbe fraiche.

  • As-tu bien vu comment le bouc faisoit grand bien et contentement à ses femelles quand il les sailloit
  • Bien sûr, nous l’avons vu mille fois dans nos vies de bergers et ce sont spectacles qui nous mettoient fort en tourment Chloé et moi.  Car il y a là pour nous grands mystères.  Nous savons du vieillard Philétas qui connoit bien Pan et les nymphes qu’il faut être nue à nu pour trouver le remède au mésaise d’amour.  Pourtant, bouc a son poil et bélier sa laine quand ils se présentent derrière leurs femelles.   Les brebis sont-elles donc pas plus vêtues de leur laine ou bien les chèvres de leur poil que Chloé de ce qui la couvre ?  Si c’est bien là médecine pour apaiser l’amour qu’ils pratiquent, pourquoi le feroient-ils si différent de nous ?  Pourquoi ma mie bergère et moi devrions-être nus et mêmement couchés quand chèvres et brebis ne se le sont pas ?  Les femelles de nos troupeaux sont debout quand les mâles font ce que doivent et ce sont elles qui les soutiennent sur leur dos.  Chloé tomberoit si je l’approchois ainsi.  Non, ce n’est pas à la façon de leurs bêtes que chevriers et bergères doivent apaiser leur mal d’amour, mais alors comment ?

Entendant ceci, Lycenion comprit qu’elle avoit à faire avec plus naïf et plus simple encore qu’elle l’avoit imaginé.  Ci lors elle se prit à l’instruire en cette façon.

  • Fais avec moi, dit-elle, comme tu faisois avec Chloé quand je vous ai vus hier sous le grand chêne de ta prairie.
  • Je l’embrassois …
  • Alors, embrasse-moi !\
  • Mais nous étions nus alors …
  • Regarde, je me mets nue pour toi.  Toi, fais pareil.  Voilà.  C’est bien.  Je vois que tu es gros, là, au bas de ton ventre.  Il te faut savoir que c’est Amour qui le veux et te mets ainsi dans l’état de lui sacrifier.  

Longtemps s’entre-brassèrent assis l’un en face de l’autre et bientôt Daphnis gémit et se recula de la femme offerte à lui, laquelle, bouche encore ouverte, yeux fermés souffle court, faillit en tomber en avant et mit la main au ventre du chevrier comme pour retenir sa chute.  Les nymphes la guidoient, elle ne tomba point.  Et Daphnis s’étonna de ne pas trouver déplaisir à la laisser s’accrocher à cette extrémité de lui pourtant si sensible qu’il ne savoit que faire avec quand, comme à cet instant, on eut dit le pommeau d’un bâton de berger.

  • Voyez Madame, haleta le garçon.  C’est comme avec Chloé, : nous sommes nus, nous nous sommes accolés de poitrine, nos bouches se sont baisées et j’ai toujours tourment d’amour.  Ce que vous tenez en main me fait mal, le ventre me tord et ne sais comment apaiser mes peines.
  • Fais confiance aux nymphes et laisse-moi faire.  Couche toi à terre …
  • Sur le dos ?  Chloé et moi nous couchons sur le côté …
  • Oui sur le dos !  Apprends, c’est l’heure !

Daphnis fut surpris par le ton de la femme à ses côtés.  Sa voix étoit devenue rauque, elle sembloit manquer de souffle.  Elle eut alors une manière qu’il n’eut jamais pu imaginer que Chloé initiât.  Elle l’enjamba, s’installa à califourchon sur ses cuisses, et la main qui le tenoit disparut entre leur ventre.  Elle le mit dans le chemin qu’il avoit jusque là cherché.  L’instant d’après, elle recula de la croupe et encapuchonna ce qu’elle tenoit en main.  Il s’en trouva pris serré en elle comme si elle eût fait entrer sa chair dans une tanière de renard aux parois tendues de moelleuse mousse des bois.  Prisonnier tel bête au piège, le ventre cramponné comme lapereau tenu dans des serres d’aigle, il se sentoit paralysé, n’étoit pas sûr d’apprécier ce qui lui arrivoit, ne savoit plus que faire de son corps. 

  • Que faites-vous-là ?  souffla-t-il, plus intrigué que réjoui par l’initiative de sa compagne
  • Ce que me commande Amour.

Yeux grands ouverts sous elle, toujours curieux, il s’étonnoit de se trouver ainsi maintenu au sol tel chétif bouquetin à castrer.   Bien sûr qu’il auroit pu culbuter Lycenion et se redressser, mais il en chassa l’idée à peine lui fut-elle venue.  Il étoit intrigué devant la différence entre l’assaut violent de cette femme qu’inspiroient les nymphes d’avec les doux abandons de Chloé qui ne vouloit que lui plaire.  Lycénion à la différence de la bergère présentoit devant ses yeux de gros pis en poires devenus tous roses avec de forts tétins bruns érigés comme cornelettes de chevreau.  Assise sur lui comme sur le dos d’un âne, ses deux bras tendus des deux bords des mamelles, elle le dominoit sans bouger, le maintenoit prisonnier entre ses cuisses, ne bougeoit pas, cambrée, le dos arqué comme chèvre dressée sur ses pattes d’arrière mangeant la verte feuillée de hautes branches.  Les deux mains de la femme lui maintenant les épaules au sol, il ne pouvoit bouger et ne le vouloit pas.  Il ne sentoit plus rien que cette chaude étreinte sur le bas de son ventre qui le tenoit tendu et tétanisé comme serré dans une presse dont il ne pouvoit imaginer la mécanique.  Cela dura sans qu’il ait la moindre idée du temps qui s’écouloit.  Elle le regardoit en souriant d’un air à la fois mystérieux et malicieux.  Et puis, levant majestueusement ses bras, elle se prit les cheveux au dessus de la tête comme font parfois les danseuses, garda un moment la pause et commença à bouger sur lui en tortillant son bassin.  À cet instant seulement le puceau sentit que la médecine que Lycenion pratiquoit sur lui avoit du bon et l’intuition lui vint que quoi de prodigieux alloit se passer.  Sa chair prisonnière, agissant en pivot de leur union, lui procuroit des sensations inconnues mélangeant certaine petite douleur à quelque chose qu’il n’auroit su nommer pour ne l’avoir jamais connu, mais qui lui faisoit tout oublier du reste du monde.  Il se sentoit comme on est au combat, sans savoir quels coups va porter celui qui nous fait face et qu’elle sera l’issue de la bataille.   Sauf qu’il ne savoit rien de cette joute-là et subissoit les assauts du ventre de Lycenion sans comprendre pourquoi il ne s’en vouloit point défendre.

Elle bougeoit à l’envi, de plus en plus vite à grands mouvements de tout le corps, comme jument sauvage voulant faire tomber son dompteur.  Ses mamelles de nourrice tressautoient pareilles à gros fruits sur branches agitées par grand vent.  Vrai qu’il ne ressentoit plus le moindre mal dans la presse qui l’étreignoit et dont les mâchoires sembloient s’élargir et mollir à chacune des retombées du fessier de la belle s’écrasant sur son ventre.  

Et bientôt Amour eut pitié du pauvre Daphnis et voici ce qu’il advint.  Cela naquit quelque part au plus profond de ses entrailles, ou peut-être du mil de son scrotum, ou encore du bout de l’épine de son sacrum, ou peut-être des trois ensemble et aussi de son cœur et de sa tête.  Il lui sembla que tout ce qu’il y avait de vivant en lui dévaloit en gros tourbillons furieux vers ce morceau de lui que Lycenion tenoit captif.  Il eut l’impression que la vie le quittoit pour affluer au ventre de sa cavalière et exploser.  Il se dressa d’un coup sur les omoplates et les pieds lançant violemment son bassin en l’air et donna tout de lui.  Elle serra les cuisses sur les hanches musclées de l’éphèbe et, s’accrochant à son cou, ne chut pas, mais cria.

  • Que s’est-il passé, Madame, demanda-t-il quand ils reprirent leurs esprits.
  • Amour t’a délivré, Daphnis.  Te voilà un homme.
  • Comment revivre telle délivrance ?  Me faut recommencer.
  • Attends.

Lycenion étoit femme aimable et bonne non moins qu’osée et entreprenante.  Elle savoit ce qu’elle vouloit tout autant que ce qui n’était point bon qu’elle voulût.  Elle n’ignoroit pas que Daphnis étoit promis à Chloé et, tout en s’accordant du plaisir avec lui, n’entendoit pas le prendre à une autre.  L’instinct d’une grande sœur l’habitoit ce matin là, plus fort que ses envies d’amoureuse.  Elle se dégagea du jeune homme lequel étoit toujours couché sous elle.  Debout, elle lui tendit la main et l’entraîna au bassin de la source où ils firent toilette en jouant dans l’eau claire.  C’est elle-même, bientôt assise dans l’onde pure qui finit de nettoyer la chair restée érigée du garçon.

  • Tu vois dit-elle.  Ce que je tiens ici est l’outil apaisant dont le dieu Amour a doté les hommes.  Tu diras à Chloé qu’elle peut l’appeler de tous les mots qu’elle voudra mais que les sages et les prêtres de ce pays l’appellent phallus quand, comme en ce moment, il est gros de belle vigueur. 
  • Mais pourquoi Amour n’a-t-il rien donné d’équivalent aux femmes ?
  • Tais toi, ignorant.  Les dieux ont fait tout autant pour les femmes en les pourvoyant de l’abri, l’écrin, le fourreau où accueillir le phallus.  Regarde

Et Lycenion, l’œil moqueur, jambes ouvertes dans l’eau fraiche écarta les grandes lèvres de son sexe.  Le chevrier incrédule et ravi tomba à genoux devant elle, le regard fixe sur cette brèche inconnue qu’ouvraient les mains de la femme.

  • J’ignorois bien qu’il y eut là passage.  Chloé n’est sûrement point faite comme vous, s’étonna-t-il.
  • Ta Chloé n’est pas différente de moi non moins que des autres filles.
  • Mais sa chair ne s’ouvre pas là où la vôtre m’a happé.
  • Parce que vous n’avez jamais essayé d’en forcer l’entrée et de vous y frayer chemin.
  • J’ai misère à vous croire, je sais tout de Chloé.  Là où vous m’apparaissez toute rouge, luisante et écarquillée, elle est blanche, fermée et serrée comme une noix.  Je craindrois de lui faire sang si je voulois aller par là et l’idée ne nous en étoit jamais venue à l’esprit pas plus à elle non plus qu’à moi.
  • Donne-moi ta main, tu vas comprendre.  Va, touche, tu peux doucement entrer ton doigt…
  • Comme ça ?
  • Oui, mais fait beaucoup plus tendrement, ce geste doit plaire aux femmes qui l’autorisent …  Quand une femme te permet de voir et de toucher cette partie d’elle, doux te faut être et délicat, attentif à ce qu’elle veut autant qu’à ce qu’elle ne veut pas …  Tes mains de chevrier doivent devenir mains de bijoutier, tes dents de carnassier doivent devenir dents de lait, ta bouche doit s’ouvrir, ta langue doit aimer tout mêmement que tes lèvres.
  • Dites-moi que faire.  Je veux tout apprendre.
  • Daphnis, il faut maintenant que tu comprennes que l’œuvre d’amour n’est pas seulement baiser et embrasser, ni faire comme les béliers et bouquins ; c’est bien autre chose bien plus plaisante que tout cela.
  • Je veux savoir …
  • Viens communier au temple de Vénus, humer son encens, laper sa fontaine et goûter son nectar. 
  • Mais comment ?
  • Fais comme fait le chat devant son bol de lait.

Oyant telle directive, Daphnis pencha le visage entre les jambes ouvertes de Lycenion qui caressant ses longs cheveux noirs l’encouragea de ces mots.

  • Oui, fais-le, gentil chevrier, aime-moi là tout ton soul.  Prends ton temps.  Ne sois pas brusque.  Découvre mon jardin d’amour, honore Pan qui l’a dessiné et remercie les nymphes qui l’irriguent. 

Et le temps passa dans la clairière perdue dans les sous-bois.  Le garçon, les genoux dans l’eau ne se troubloit pas de la fraicheur de l’onde.  Bientôt Lycenion les fit rouler dans l’herbe touffue, se coucha sur le côté et le tira vers lui.  Ils se retrouvèrent nue à nu comme Daphnis étoit souvent avec Chloé, sauf que ce n’est point le visage de la femme qui frémissoit face au sien mais bien cet endroit qu’il embrassoit de si bon cœur dans le bassin de la source et que Lycenion lui présentoit cette fois à l’envers.  Il n’eut su que faire devant le mont de Vénus de la jolie femme si elle n’avoit levé le genou, ouvert le compas de ses jambes et ne l’avoit dirigé de sa main pressant sur la nuque du garçon vers la béance de son ventre offert.

  • Va, Daphnis.  Continue d’embrasser ce que tu baisois si bien dans l’eau de la fontaine.  Ainsi font dieux et chiens.  Moi, je vais te faire ce que seules savent faire les déesses et que ne font point les chiennes.  Sois heureux maintenant …

Et le garçon choisi par le dieu Amour comprit alors que son initiatrice prenait son phallus en bouche et passa proche d’en défaillir incontinent.  Mais vite, il s’y trouva tant si bien sinon mieux que quand il étoit en cette place d’elle où il s’abreuvoit maintenant.  Longtemps les deux amants restèrent ainsi jusqu’à ce que de nouveau le corps de l’adolescent fût comme frappé par la foudre, éclatât et s’épanchât dans la bouche de Lycenion et qu’il connût pour une deuxième fois la divine médecine qui apaise l’amour.

Pour autant le puceau n’étoit pas pleinement calmé et son bâton d’amour le montroit bien qui, revenu dans la lumière du soleil, ne tarda pas à reprendre sa belle et vigoureuse ampleur.  La jeune femme sourit en le sentant de nouveau prêt à aimer.  Puis son sourire disparut alors qu’il se leva, sautant sur pied d’une gentille et toute naïve façon, et sembla vouloir la quitter.  

  • Que fais-tu, Daphnis ?
  • Cela que vous m’avez appris et fait, je vais courir et le montrer à Chloé, dit-il., en garçon encore plus simple, franc et amoureux qu’elle n’avoit imaginé.

Elle le retint et le fit à nouveau s’assoir près d’elle.  Le trouvant en l’état, elle prit en main le phallus tendu du chevrier et lui tint cet autre discours.

  • Il faut que tu saches encore ceci, Daphnis,; c’est que comme j’étois déjà femme, tu ne m’as point fait mal à ce coup ; car un autre homme il y a quelque temps, m’enseigna ce que je viens de t’apprendre et en eut mon pucelage pour son loyer.  Mais Chloé, lorsqu’elle luttera cette lutte avec toi, la première fois, elle criera, elle pleurera et si saignera comme qui l’auroit tuée, mais n’aie point de peur et quand elle voudra se prêter à toi, sois tendre, doux et patient et retiens ces leçons de moi que j’ai fait homme premier que Chloé.
  • Je ne voudrois pas la faire crier, car ce me sembleroit acte d’ennemi ; je ne voudrois pas la faire pleurer, car ce seroit là signe qu’elle eût senti mal ; ou la faire saigner car je pensois être impossible que sang sortît sinon d’une blessure.  Mais alors comment faire, Madame ?
  • Apprends !

Et pour une troisième fois Lycenia enseigna le déduit au jeune pâtre.  Cette fois encore elle le dirigea, mais de la voix avant la main.  « Fais à ton plaisir, dit-elle, et mêmement au mien. »  Elle le souleva un peu et se glissa sous lui, puis elle le mit dans le chemin qu’il avoit déjà une fois empruntéLa bouche à l’oreille du jeune mâle, elle lui expliqua comment s’introduire en son ventre avec un mélange amoureux de force, de douceur et de ménagement et comment se faire léger sur elle.  Et lui, en élève soucieux de savoir et de plaire à son professeur fit tout au mieux qu’il pouvoit.  Quand il y fut bien enfoncé, c’est elle qui, le tenant à la taille, lui imprima les mouvements de leur union, ralentit à propos leur course, apaisa les ruades du berger et le retint de trop vite laisser aller sa semence.  Tout au long de la chevauchée, elle l’instruisit ainsi de ce qu’il convenoit qu’il fit et le berger, ce temps pendant bien attentif, en apprit cette troisième fois-là de quoi fort bien agir avec sa Chloé quand le temps viendroit de la faire femme.

Reprise du texte original à : Après lui avoir donné ces avis, Lycenion s’en alla d’un autre côté du bois, faisant semblant de rechercher encore son oison.


1Livre troisième, page 34 de notre ouvrage de référence. 

2Que l’on ne nous accuse point ici d’inventer.  Le texte original dit (Livre troisième, page 33.«Il la fit se relever, l’embrassa par derrière en imitant les boucs ; mais il s’en trouvoit encore moins satisfaitque devant.  Sise rassit par terre et se mit à pleurer de ce qu’il savoit moins que les bélins accomplir les œuvres d’amour.»